Pendant la campagne électorale de 2011, une femme politique de la République démocratique du Congo (RDC) avait postulé à la députation et avait été élue. Un jour, alors que je suivais la télé, je l’ai vu raconter comment elle avait été victime de harcèlement au téléphone.
Un inconnu proférait régulièrement des menaces à son endroit parce qu’elle avait gagné aux élections.Les insultes comprenaient des allusions au fait qu’elle s’était prostituée pour obtenir son siège et qu’elle n’était plus digne d’être une épouse.
L’homme, qui oubliait chaque fois de se présenter, utilisait également un numéro masqué. Malgré sa peur de voir que n’importe qui pouvait avoir accès à son numéro, elle se disait pourtant rassurée intérieurement car elle avait mené une bonne campagne et avait mérité son siège au parlement.
L’histoire de notre parlementaire n’est malheureusement pas isolée. Il n’est pas rare que des femmes qui osent occuper des postes publics ou qui sont en position de donner leurs avis sur la marche du pays, tels que les journalistes, les femmes en politique ou des personnalités dans d’autres domaines, reçoivent des menaces au téléphone pour les décourager dans leur travail ou voient leurs photos privées rendues publiques sans leur consentement ou même des montages photos les montrant dans des situqtions compromettantes. Les vols d’identité sur Facebook se sont également multipliés.
En 2006, la République démocratique du Congo (RDC) organisait ses premières élections démocratiques et transparentes depuis 40 ans. Alors que la nouvelle constitution votée par référendum inscrivait, pour la première fois, noir sur blanc, le principe de la parité homme-femme, la loi de mise en œuvre de cette parité n’a pas été votée à temps pour obliger les partis politiques à présenter des listes paritaires comptant le même nombre de candidates et de candidats.
Le fait qu’en RDC le pouvoir est encore perçu au masculin et que l’on estime que les femmes ne doivent pas se présenter dans les espaces publics a eu une incidence sur l’élection de femmes.
Les femmes candidates rencontrent les difficultés à se faire accepter à chaque élection. Elles sont salies par de fausses accusations, la publication des photos et de vidéos compromettantes sur internet ou par Bluetooth pour les décourager et compromettre l’image que se font d’elles l’électorat congolais.
En matière de violation de la vie privée, les lois congolaises ne reconnaissent que la violation de la correspondance privée dont les emails peuvent faire partie. Les articles du code pénal régissant la diffamation s’appliquent également en cas de publication de fausses informations par les médias. Mais dans la plupart des cas, seules les personnes influentes et les politiciens vont au-delà du droit de réponse et recourent à ces dispositions légales pour faire valoir leurs droits. Rien n’est dit dans la loi concernant les vols de données personnelles, qui sont encore du domaine de la soustraction frauduleuse de biens appartenant à autrui, comme le code pénal qualifie tous les types de vol. Or, en cas de publication sans consentement et à l’ère du tout numérique ou les données personnelles sont un trésor, on ne peut pas réellement dire qu’il y a eu soustraction car les données existent encore et sont accessibles au propriétaire.
Elles sont parfois données de bonne foi, mais pour un usage autre que celui qui en a été fait. C'est le cas des femmes et des filles qui envoient des photos d'elles dénudées à leur copain/mari et les retrouvent ensuite sur tous les téléphones de la capitale.
Avec l’accroissement du nombre des internautes et l’utilisation accru des services sur l’internet et compte tenu de la facilité d’accès sur la téléphonie mobile, on assiste à l’apparition de violences faites aux femmes qui s’adaptent à ces technologies.
On utilise le téléphone et les applications qui permettent de rester anonymes pour faire peur aux femmes. On leur envoie des menaces pour les décourager de parler des sujets qui fâchent. C’est le cas de trois femmes journalistes de radios du Nord-Kivu qui couvraient régulièrement l’actualité sur les femmes victimes de viols brutaux et cruels à l’est du pays. Elles ont reçu des menaces pour les obliger à arrêter de ternir l’image du pays.
La plupart de temps, ces femmes ne dénoncent pas ces actes car elles ne savent pas ce qu’il faut faire.
D’autres femmes, souvent des personnalités du monde politique, journalistique ou des affaires voient régulièrement leurs photos circuler dans des montages sur des corps nus en plein acte sexuel. Tout cela pour les ramener à ce que leurs détracteurs croient à tort être leurs fonctions premières : un objet de plaisir et de procréation.
Cela est encore plus vrai dans le monde politique où des débats éclatent chaque fois que l’on évoque la parité inscrite dans la Constitution.Il s’agit de rappeler que les femmes n’ont rien à faire en politique, qu’elles devraient retourner à leurs casseroles ou s’occuper de leur mari, quand on ne dit pas qu’elles n’ont mérité leur poste que parce qu’elles ont eu des relations intimes avec tel ou tel autre homme politique influent.
Mais aujourd’hui, en RDC, les femmes estiment qu’elles sontdes actrices du développement. Elles sont actives dans l’économie du pays, sont regroupées dans des associations qui travaillent au développement communautaire et, de plus en plus, dans des partis politiques, non seulement en travaillant avec des femmes en tant que mobilisatrices, mais en créant des fédérations de femmes et en les faisant participer à leur gestion.
Malgré le conservatisme culturel qui fait que même si elles représentent 60 % de l’électorat, les congolaises ne représentent que 20 % des candidats et n’occupent à peine que 10 % des postes décisionnels.
Le projet de loi de mise en œuvre de la parité qui prévoit des mesures contraignantes pour que les partis politiques présentent des femmes et des hommes en nombre égal sur leurs listes électorale, devra rectifier la situation actuelle et rendre justice aux femmes en politique. Cela devrait également permettre de réduire la stigmatisation dont les femmes sont l’objet en politique car leur présence sera justifiée par la loi.
En ce qui concerne sur la répression des infractions commises contre les femmes, le Code pénal est devenu obsolète car il ne prend pas en compte les nouvelles formes de violences faites aux femmes. Si la violence sexuelle fait l’objet d’une loi spécifique et que le Code de procédure pénal a été modifié pour permettre de s’adapter à leur spécificité, une loi réprimant les violences faites aux femmes liées a la technologie devraient également être envisagée.
En outre, les femmes et les filles victimes de ces abus ne connaissent généralement pas les recours qui s’offrent à elles. Les entreprises qui offrent des services sur le net devraient également réfléchir à la mesure dans laquelle leur politique clientèle devrait être rendue publique si elles ont déjà trouvé des solutions technologiques aux vols de données personnelles, à l’usurpation d’identité, aux menaces envoyés par téléphone, etc.
Les violences faites aux femmes politiques au moyen des technologies de l’information et de la communication (TIC) ne sont peut-être que le reflet du conservatisme culturel qui veut que la femme ne soit pas faite pour prendre les décisions, mais les Congolaises, au-delà des femmes politiques, ont besoin d’une loi sur les violences qui leur sont faites et sur l’utilisation des TIC. Ces abus devront être pris en compte pour leur permettre de participer efficacement et de façon égale au développement du pays.